Patrick Robin

PATRICK ROBIN
Patrick Robin

« De l’arbre à la musique – l’univers d’un luthier »

Les Musiques Baroques à Savennières sont honorées d’accueillir l’immense luthier angevin reconnu mondialement et promu au rang de Maître d’Art par le Ministère de la Culture.

Je suis né dans une famille de vignerons des coteaux du Layon en Anjou. Mes parents travaillaient la vigne et je les aidais à l’occasion, surtout au moment des vendanges, saison de travail intense et joyeux. Mon père travaillait le bois à ses rares heures perdues, il aurait rêvé d’en faire son métier et fabriqua une partie des meubles de la maison. Il m’a transmis son goût du bois et du travail bien fait et aussi loin que je me souvienne, j’ai bricolé dans la soupente du fond de la cour avec de vrais outils reçus à Noël.

C’est aussi par lui qu’est venu mon premier contact avec la musique. Il jouait à l’harmonie municipale du village et travaillait sa trompette à la maison. Mes premiers instruments ont été des sortes de guitares primitives, assemblages de bois et boites de conserve comme caisse de résonance. En guise de cordes, j’empruntais les lignes de nylon que mon père utilisait pour la pêche au brochet en Loire. Mes parents souhaitaient que nous jouions de la musique. Ils se sont équipés d’un tourne disque, de quelques 33 tours de musiques classiques et populaires et nous ont offert des flûtes, des harmonicas, mais c’est seulement à l’adolescence que la musique m’a vraiment attrapée. Mon premier salaire d’un job d’été a été pour une guitare et le violon est venu ensuite avec le renouveau des musiques traditionnelles. Notre groupe écumait avec un certain succès les salles de la région pour des bals endiablés et les festivals de vendanges. J’ai
rencontré alors un assistant d’Etienne Vatelot qui m’a fabriqué un beau violon tout neuf et me faisait rêver à son métier de luthier. Finalement, après un diplôme d’ébéniste et quelques années dans la restauration de meubles anciens, j’ai finalement suivi des études de lutherie du quatuor à cordes à Newark-on-Trent en Grande Bretagne. Mes pas m’ont ensuite mené vers le nord de l’Allemagne à Brême où j’ai rejoint pour quelques années un atelier spécialisé dans la restauration et le réglage des instruments anciens italiens de grande valeur. J’ai ensuite installé mon atelier à Angers pour me consacrer exclusivement à la création de violons, altos et violoncelle.

Le plaisir que j’ai en travaillant le bois est le même que celui que j’avais enfant, l’été dans le Queyras, quand avec mon canif je taillais des bateaux en écorce de pin sur le bord des torrents. C’est un plaisir sensuel que de tailler avec un outil tranchant dans ce matériau qui a un fil, un sens comme toute structure végétale. Le torrent me fournissait aussi les galets de schiste polis par l’eau vive pour affûter comme un rasoir la lame de mon Opinel. Ce plaisir primitif reste le même à l’établi quand je sculpte dans l’érable une volute de violon avec mes gouges et canifs.
La musique et le travail du bois, ces deux pôle d’attraction qui se rejoignent dans l’art de la lutherie : travailler le bois pour arriver à la musique. Fabriquer des voix pour les instrumentistes à cordes.

La lutherie s’appuie sur une accumulation et une maîtrise de techniques variées et complexes où le coup de main a toute son importance. Du choix du bois jusqu’à la fabrication de vernis à ‘huile, ces techniques sont toujours reliées aux sens, qu’ils soient tactiles, visuels ou auditifs. On ne peut faire un bon violon en se contentant des recettes, des mesures, des schémas que nous ont légués la tradition ou que nous proposent les recherches scientifiques récentes. Il faut cette part de décisions sensibles, développées par l’expérience et difficilement explicables, qui vont permettre d’interpréter la matière au service d’un projet d’instrument pour un musicien qui ne l’est pas moins. Le bois est une matière hétérogène, chaque arbre est unique et du pied de l’arbre jusqu’à ses premières branches ses caractéristiques varient. Le son de l’outil dans l’épicéa de la table d’harmonie me renseigne sur ses qualités sonores de bois de résonance.

Au-delà de la maîtrise d’un métier, l’art de la lutherie est donc affaire d’interprétation. Il n’est pas si éloigné du travail du vigneron qui interprète chaque année les raisins que sa terre lui donne. Il essaye de faire un vin qu’il aime et qu’il imagine tout en interprétant et en respectant les caractéristiques de la récolte de l’année. Il se joue là un équilibre subtil entre maîtrise et improvisation. Plus on maîtrise son sujet, plus on peut laisser place à l’improvisation, à la variation, à ce que nous propose le moment en terme d’inspiration. Nous ne sommes pas si loin de la musique…

Le but n’étant pas de faire des violons identiques, mais des instruments qui ont un caractère qui leur est propre tout en ayant un air de famille. C’est une fratrie issue du même atelier matrice. À l’image de la nature, nous essayons ainsi de créer de la variété et nous sommes à l’opposé de notre culture industrielle qui produit des objets clonés et interchangeables.

« Ou bien l’on soigne trop sa besogne, ou bien, on ne la soigne pas assez. Rarement, on trouve l’entredeux qui boite avec grâce. »

J’aime cette citation de Jean Cocteau à propos de l’art et de la difficulté d’écrire. Elle s’applique à toute activité humaine et trouve un écho dans l’exercice de mon métier. La poésie ne se trouve pas dans une recherche stérile de perfection.
Quand un violon quitte l’atelier du luthier il a ses qualités et son caractère propre, mais il est encore inabouti, c’est un nouveau-né. Il va grandir dans les mains d’un musicien qui va le façonner, l’éduquer, l’amener à maturité. Si les violons célèbres, tels ceux d’Antonio Stradivari, sont si exceptionnels, c’est bien parce qu’ils étaient déjà au sortir de l’atelier de Crémone des œuvres d’art, mais aussi parce qu’ils ont été joués et travaillés depuis par les plus grands instrumentistes. Ils ont développé la richesse de leur palette sonore, repoussé les limites de leur puissance, gagné de la souplesse de timbre. Un violon reste un instrument mystérieux qui a une vie propre.

Mon travail se nourrit de l’étude en profondeur des plus beaux instruments de la lutherie italienne classique, principalement celle de Crémone. Pendant de nombreuses années, j’ai copié les maîtres anciens. Aujourd’hui je base mon travail sur une connaissance approfondie des principes qui régissent cet art. Je les interprète et crée des instruments de caractère avec une sonorité et une liberté de style que j’espère être dans l’esprit des maîtres que j’admire.

Patrick Robin

Luthier

MARDI 22 AOÛT
17H30
Grand salon du château des Vaults, Savennières

Réservez par téléphone au
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mbsavennieres@gmail.com